PEUT-ETRE
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Parler du dernier film d'Eric
KLAPISH, impose de faire tout d'abord un rapide tour d'horizon du film de genre
en France et en Europe plus généralement.
La France produisait des films de cape et d'épée, ça s'est
arrêté faute de postulants pour la place laissée vacante
par Jean Marai ou Gérard Barray. Elle faisait également dans l'espionnage,
mais il n'y a plus d'acteur de la carrure de Lino Ventura ou Jean Gabin. Jean
Pierre Melville n'a pas laissé d'héritier pour le polar et le
fantastique n'est plus avec la mort de George FRANJU. Tous les réalisateurs
populaires se sont reconvertis dans la production télé ou ne font
plus de cinéma qu'épisodiquement (Robert Enrico, Yves Boisset,
José Giovanni...).
En Angleterre, la Hammer qui produisait les films fantastiques avec Peter CUSHING, Christopher LEE, Caroline MUNRO, a fermé ses portes. En Italie Cinnecita qui a vu défilé les culturistes de l'antiquité et les pistoleros mal rasés, s'est mis à copier les genres de plus en plus frénétiquement jusqu'à rester exsangues (Lamberto BAVA fils de Mario a fait la série télé de La caverne de la rose d'or, qui passe obligatoirement en fin d'année pour les fêtes, Ruggero DEODATO responsable de films bien gores, s'est refait une santé dans le porno, puis il est mort).
Le dernier bastion du film de genre se tenait à Hong Kong, avec la nouvelle vague représentée par Tsui HARK et John WOO, pour les réalisateurs, et Jet LEE et Chow Yun FAT pour les acteurs. Rien à voir avec notre nouvelle vague à nous, qui si au début elle donnait une nouvelle approche du film de genre (Alphaville de GODARD et La jetée de Chris MARKER sont des films de SF), s'en est détachée finalement. Les réalisateurs qui suivirent voulurent s'autoproclamer auteurs, le film de genre avait alors mauvaise odeur. A Hong Kong, la situation s'est aggravée, les artistes ont émigré pour fuir la rétrocession à la Chine et la crise économique doublée de piratages systématiques des oeuvres augmentèrent la précarité.
En France, les choses bougent un peu. Bertrand TAVERNIER a fait La fille de D'Artagnan et Philippe de BROCA, Le bossu, des tentatives réussies qui n'ont hélas pas conduit à un nouvel engouement pour le film de capes et d'épées. Le Dobberman et Le Poulpe empruntent les voies du néo-polar. Alain CORNEAU coupable de bons polars avec Yves MONTAND (Police Python 357), est revenu à ses premières amours avec Le Cousin, un film d'un bien beau gabarit. CARO et JEUNET oeuvrent pour la bonne cause, avec leur univers glauquissime et visuellement époustouflant. Cedric KLAPISCH arrive maintenant avec sa version des films de science-fiction. Son parcours semble s'attacher à partir de maintenant à la piste du film de genre, puisqu'il a réalisé un court métrage porno avec Olivia d'EL RIO, pour une campagne pour les bienfaits du préservatifs.
Arthur refuse de faire un enfant à sa copine pendant le réveillon de l'an 2000. Laissé seul à ruminer ses convictions, il découvre que le plafond des toilettes laisse échapper du sable par une ouverture. Après un peu de grimpette il se retrouve plongé en 2070. Son fils, vieux de 70 ans, est là pour l'accueillir. Lui et sa famille vont se faire un point d'honneur pour le convaincre de faire cet enfant. Sinon, c'est leur existence même qui est en péril... |
L'argument est un démarquage de Retour vers le futur, on a même le droit au coup de la disparition. Dans le film de Robert ZEMECKIS, Marty voyait sa famille disparaître sur une photo. Là BELMONDO a ses membres qui disparaissent graduellement grâce à un effet spécial efficace. On ne saurait pour autant blâmer KLAPISCH pour le procédé, les américains nous pillent nos comédies pour le meilleur, True Lies ou pour le pire, le plus fréquemment (Un indien dans la ville, La cage aux folles made in U.S). |
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Le film bénéficie d'un bon visuel, Paris sous le sable, mais
KLAPISCH se repose un peu trop la-dessus. Le film est un tantinet longuet et
se perd avec des personnages complètement étranger à l'intrigue
:
- Arthur est émoustillé par son arrière petite fille qui
est le portrait craché de sa copine
- une jeune fille tombe amoureuse de BELMONDO quand celui-ci fait le chemin
inverse dans le passé.
Le va et vient incessant entre les époques à la fin du métrage
aurait mérité d'être traité plus tôt, cela
aurait resséré l'intrigue. Il n'en fallait pas beaucoup pour que
le film atteigne la grâce d'un bon film populaire de S.F., moins con que
Star Wars, Episode I, pour citer le dernier avatar du genre toutes nationalités
confondues.
Cedric KLAPISCH dans le décor kitsch du prégénérique |
C'est là que repose le fond même du projet initial de KLAPISCH, faire de la S.F. non pas en tant que dirigeant d'une grande surface, mais en tant que simple épicier de quartier (c'est le rôle qu'il tient effectivement dans le film...). Pour bien appuyer sur ce point, le film démarre sur un film de science fiction clinquant rappellant visuellement les avatars que donnèrent certains réalisateurs italiens après Star Wars épisode IV (par exemple, La bataille des étoiles, Cosmo 2000 - Battaglie negli spazi stellari, d'Alfonso BRESCIA, sous la signature de Al BRADLEY que vous pouvez trouver pour 20 balles dans les grandes surfaces, chez Odyssey video production). C'est en fait le personnage Arthur qui le regarde à la télé, le message est clair : "Vous voyez ça, eh bien ce n'est pas ça que je vais faire !". C'est un peu dommage de réagir comme ça, ce n'est pas en attaquant le space opéra fauché qu'il provoquera forcément l'adhésion de sa vision. |
Le plus inquiétant, c'est que pour faire ce film, plusieurs producteurs se sont succédés. Qu'est que ça sera quand un frapadingue voudra faire un truc estampillé davantage série B, voir bis. D'autant plus que Géraldine PAILHAS (très jolie au demeurant), invitée de Nulle Part Ailleurs, sur Canal +, s'excusait presque de la présence des effets spéciaux du film, qui n'en fait pourtant pas une débauche. Les mentalités ont du mal à changer du jour au lendemain.
Peut-être reste néanmoins un film divertissant, comportant pas mal de petites choses qui font le maximum (le vol d'un jet de sperme filmé in slow motion d'une poésie complétement inattendue, Jean Pierre BACRI et sa réplique tordante "J'avais dit mollo sur le destroy !!!"). Le cinéma de genre a encore de beaux restes et il peut encore reprendre du poil de la bête !!!